Ne pas désigner trop tôt les quantités inconnues ou variables par une (ou des) lettre(s). Laisser les élèves ressentir la nécessité de leur introduction plutôt que de les donner a priori. Leur donner un repère. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des équations et dans le cas des fonctions.
L'analyse
des manuels montre que la plupart des exercices imposent à l'élève l'emploi des
lettres sans que cela soit indispensable pour lui, compte-tenu de ses
connaissances mathématiques à ce moment-là. Dans ce cas, nous pensons que
l'élève va utiliser une lettre (par exemple, pour mettre en équation) sans voir
l'utilité de cette résolution par les équations (en fait il pourrait résoudre
le problème par une autre méthode aussi efficace). Une étude a montré (mémoire
de DEA de C. Sadoun) que, les élèves ont, par la suite, du mal à résoudre des
problèmes dans lesquels l'inconnue n'est pas explicitement désignée.
Dans une perspective d'autonomie de l'élève, il est
important d'institutionnaliser un repère simple, par écrit, concernant
l'introduction de la lettre. Par exemple :" pour un grand nombre, voire une infinité, de cas à traiter il peut-être utile
d'introduire une lettre."
Un
autre point concerne les exercices qui sont donnés : si l'on veut montrer à
l'élève la puissance du raisonnement algébrique, il est important de lui donner
des problèmes qu'il a du mal à résoudre par d'autres méthodes, arithmétiques,
par exemple.
Ainsi
le problème suivant que l'on trouve assez souvent dans les manuels :
Je pense à un nombre, je lui ajoute 34, je multiplie par 7 le résultat et je trouve 112. Quel était le nombre de départ ?
Nous voyons bien que ce problème peut facilement être
résolu par une procédure qui consiste à "remonter" les calculs (les
élèves ont l'habitude de faire ce genre de raisonnement notamment à l'école
primaire). Ainsi l'élève écrira 112 : 7 = 16 et 16 – 34 = - 18.
Selon nous, l'emploi des équations ne se justifie pas ici
et cet exercice ne nous semble pas être un bon exercice pour introduire l'outil
équation. Pour pouvoir mettre en équation ce type de problèmes, il faut au
moins que les calculs soient beaucoup plus nombreux et complexes.
Nous appellerons cette méthode de résolution arithmétique en opposition avec une méthode algébrique qui consisterait à poser une équation.
Qu'appelons-nous
méthodes arithmétiques ? Prenons le problème suivant :
Jean a trois fois plus de timbres que Denis et sept fois plus de timbres que Pierre. Si Jean possède 504 timbres, combien les trois enfants possèdent-ils de timbres ensemble ?
On
voit que l'on peut prendre comme point de départ le nombre de timbres de Jean
puis, "en remontant les calculs", on peut retrouver le nombre de
timbres de Denis (en divisant par 3) et celui de Pierre (en divisant par 7). Il
reste ensuite à additionner ces trois nombres pour avoir le nombre total.
C'est
ce que nous appelons une procédure arithmétique : on part des données que l'on
connaît, qui sont dans le texte, on fait des calculs à partir de ces données et
on trouve la solution.
Dans
une procédure algébrique, on nomme par une lettre l'inconnue, on traduit des
éléments de l'énoncé par des phrases mathématiques et on fait des calculs à
partir de là.
Nous
voyons que, pour les élèves, la procédure n'est pas du tout la même. C'est ce
que pointe G. Vergnaud (1987) :
"Alors que la résolution arithmétique d'un problème en langage naturel consiste à rechercher les inconnues intermédiaires dans un ordre convenable, et à choisir les données et les opérations adéquates pour calculer ces inconnues, l'algèbre consiste à écrire des relations explicites entre inconnues et données, et à s'en remettre ensuite à des procédures de traitement relativement automatiques pour trouver la solution. Il faut ainsi renoncer à calculer les inconnues intermédiaires, et éviter de se préoccuper du sens des grandeurs exprimées à tel ou tel moment de la résolution algébrique."
Dans
une procédure arithmétique, l'élève garde le contrôle de ce qu'il fait en
raisonnant à partir du texte et au fur et à mesure des calculs. Par exemple, il
peut contrôler que le nombre de billes de Denis est plus petit que celui de
Jean ou que le nombre de timbres total doit être supérieur à celui de chacun
des enfants. Dans une procédure algébrique, on perd le contrôle de la situation
évoquée par le texte de l'exercice et on ne le retrouve qu'à la fin (ici on pourra
également vérifier que le nombre total de timbres doit être supérieur à celui
de chacun des enfants). En revanche, on peut exercer des contrôles qui portent
sur les règles du calcul algébrique. Nous voyons ici que ce qui fait la force
de l'algèbre (travailler sur des variables) peut être une difficulté pour les
élèves car ils doivent accepter de perdre le sens du problème pendant un
moment.