Les élèves ne montrent pas leurs vérifications
La notion de vérification n'est pas une notion
mathématique simple à définir car les vérifications font, en général, partie du
travail privé des mathématiciens. Ainsi dans les productions mathématiques
(articles de recherche ou de vulgarisation), on ne trouve plus le récit de ce
qui a amené à la découverte d'une propriété ou d'un théorème, on ne trouve pas
davantage les erreurs rectifiées ou les vérifications. Les traces publiques qui
sont produites ne reproduisent pas l'histoire de la découverte mais donnent une
version reconstruite répondant à des critères de logique d'exposition.
Pour les élèves, nous avons montré (S. Coppé (1993) que c'est un peu la même chose : souvent les professeurs pensent (et déplorent) que les élèves ne vérifient pas car ils ne trouvent pas de traces de vérification dans les copies par exemple.
Pourquoi ?
Il y a plusieurs explications à ce phénomène :
- Tout d'abord, du fait de la situation scolaire, les élèves ne ressentent pas la responsabilité de la validité de leurs résultats. La plupart du temps, c'est le professeur qui évalue à la fin et, à cause de cela, pour les élèves, c'est lui qui est responsable de la validité de la solution.
- Quelquefois les élèves n'ont pas de procédure de validation ou bien celle-ci est trop compliquée ou trop longue à mettre en place.
- Les vérifications qui sont faites dépendent de la situation : par exemple, en devoir surveillé les élèves sont soumis à des contraintes contradictoires : d'une part ils ont intérêt à vérifier pour avoir des résultats justes et donc une bonne note mais d'autre part ils sont soumis à la contrainte du temps et ils ne peuvent pas perdre trop de temps à vérifier (ils ne pourront pas passer plus de temps à vérifier qu'à faire).
- Les élèves ne vérifient pas car ils n'ont pas de doute sur la solution ou bien ils doutent tout le temps (ce qui est le cas des élèves en difficulté).
- Les vérifications relèvent du travail privé de l'élève ; celui-ci ne les donne pas à voir au professeur. En effet, les vérifications n'ont pas toujours un caractère mathématique reconnu ; c'est ce qui fait leur originalité dans les processus de preuve.
- Enfin les, élèves peuvent avoir fait une vérification et détecté une erreur sans être capable de la corriger. Or, en devoir surveillé où le poids de l'évaluation est très important, tout le monde sait bien qu'il vaut mieux mettre une réponse que pas de réponse.
Définition des vérifications
Nous avons produit la définition suivante des vérifications :
“ Dans une
situation de résolution de problème, pour une question, un élève a identifié un
résultat partiel ou final et il se pose la question de la validité de son
résultat. Nous appellerons vérification tout argument avancé ou toute action
mise en œuvre par l’élève pour limiter l’incertitude sur le résultat, si l’élève
en a besoin, à ce moment-là et dans cette situation. Une vérification a pour
conséquence, soit d’accroître la vraisemblance et éventuellement d’acquérir la
certitude du résultat, soit d’engendrer un doute plus grand et éventuellement
de déboucher sur une phase de rectification. ”
Vérifications internes/externes
Nous avons montré qu'il existait deux types de vérifications : les vérifications de type interne et celles de type externe
Les vérifications de type interne relèvent du savoir mathématique et elles nécessitent d'utiliser des connaissances mathématiques qui peuvent être relativement complexes.Ainsi on peut avoir des vérifications techniques : il s'agit de vérifier un résultat en refaisant la même chose, en faisant d'une autre façon assez proche (en tout cas sans changer de cadre) ou en reprenant chaque étape du procédé de résolution. Les exemples sont nombreux, refaire un même calcul ou un même dessin, faire le calcul d'une autre façon ou faire un autre dessin en faisant varier les mesures, la position des points, en utilisant un programme de calcul ou une calculatrice graphique ; enfin, reprendre une à une les étapes d'une démonstration, d'un calcul, d'un dessin. Ces processus portent essentiellement sur le résultat qui seul est mis en cause.
Un autre type est de vérifier par une condition nécessaire mais pas suffisante du point de vue de l'expert : pour l'élève c'est en général suffisant. Par exemple, trouver un cosinus égal à 0, 9 peut être signe d'un calcul exact pour l'élève alors que si l'on se place du point de vue de l'expert, ce n'est qu'un résultat vraisemblable.
On peut avoir des vérifications par essais : il s'agit de tester une conjecture par essais sur des cas particuliers. Par exemple, dans le cas des suites on remplace n par 0, 1, 2 pour voir si le terme général est correct ; dans le cas de la détermination d'un ensemble de points, on place plusieurs points sur le dessin (en général trois).
Les vérifications de type externe renvoient en général aux règles, le plus souvent implicites, que se construisent les élèves dans la classe ou par rapport aux mathématiques.Un autre type est plus élaboré : vérifications par changement de cadres Il s'agit de mettre en rapport des résultats obtenus dans des cadres différents afin de tester leur adéquation. Par exemple, on pourra mettre en relation le tracé d'une courbe et le tableau de variation, ou la valeur d'une intégrale.
Par exemple, l'unicité de la solution et le fait d’avoir utilisé des théorèmes et des propriétés du cours. Pour les problèmes numériques, toutes les considérations sur les solutions qui doivent être des nombres simples ce qui signifie entiers, pas trop grands, des fractions simples, etc et, en géométrie, le fait que les ensembles de points que l'on trouve sont, en général , des cercles ou des droites.
On peut également avoir des vérifications faisant référence à une certaine connaissance de la réalité Ceci est caractéristique des problèmes concrets ou pseudo-concrets, c'est-à-dire les problèmes qui comportent une part de modélisation importante. On peut citer en particulier, les vérifications qui utilisent les ordres de grandeur
On peut enfin avoir des arguments qui font référence à la mémoire de ce qui a été fait, à l'histoire de la classe. Ce sont tous les arguments du type "je suis sûr de moi car on avait fait le même exercice en classe", "le prof a fait comme ça", "on fait toujours comme ça". Bien sûr, ces jugements, basés souvent sur l'analogie, sont très subjectifs et les critères qui permettent de décider de cette analogie peuvent porter sur des indices de surface souvent jugés non pertinents par l'expert comme, par exemple, des termes spécifiques ou un dessin particulier.