Proposer aux élèves des problèmes dans lesquels
l'emploi des lettres (ou autre symbole) paraît sinon indispensable mais utile,
performant pour résoudre le problème.
Depuis
trente ans, s'appuyant sur les travaux de Piaget, de Bachelard et de Vigotsky,
les recherches en didactique des mathématiques mettent en avant la notion de
problèmes. Ainsi, ces recherches se fondent sur l'idée, que l'on construit ses
connaissances en résolvant des problèmes pour lesquels nos connaissances
anciennes se révèlent insuffisantes ou inadaptées et nécessitent la création de
nouveaux outils qui seront, à leur tour, transformés en objets de connaissance
dans le cadre de l'enseignement.
Nous
pensons que ce jeu entre connaissances anciennes et nouvelles et entre le
statut d'outil pour résoudre des problèmes et d'objet de connaissances est à la
base de notre enseignement.
Bien
sûr, dans l'activité ordinaire de la classe, nous pensons qu'il ne suffit pas
de résoudre un (des) problème(s) pour apprendre. Il faut que le professeur
organise cet apprentissage. En cela, il a un rôle fondamental dans cette
construction puisque c'est lui qui choisit les problèmes à résoudre en fonction
des connaissances visées, puis c'est lui qui va aider les élèves à repérer les
connaissances nouvelles qui ont été construites et à leur donner le statut d'objet de savoir partagé par la classe
(ou par la communauté des mathématiciens). Enfin il ne faut pas négliger les
exercices d'entraînement qui vont permettre de rendre opérationnelles les
connaissances construites.
Ainsi
nous pensons qu'il faut apporter un soin particulier à l'articulation entre les
phases de résolution de problèmes d'introduction, les phases
d'institutionnalisation, et les phases de travail technique.
Pour
l'algèbre, nous pouvons traduire de façon plus concrète cette première position
théorique : il nous semble important de proposer aux élèves des problèmes qui
nécessitent l'emploi de lettres non pas parce que le professeur le demande mais
parce que cela aide à la résolution du problème ou bien cela permet de résoudre
une série de problèmes semblables du point de vue de la structure mathématique.
Ces
problèmes peuvent déboucher soit sur une résolution d'équation soit sur
l'introduction du calcul littéral. Ainsi nous pensons que, pour l'élève, la
lettre n'apparaîtra pas seulement comme une écriture, un symbole qui remplace
un nombre, et que le professeur ne désigne plus par une écriture numérique,
mais qu'elle apparaîtra plus rapidement comme une variable (ou une inconnue).
Nous voulons montrer aux élèves que la lettre ne remplace pas seulement un
nombre singulier, mais tout un ensemble de nombres. A travers cela, nous sommes
conscients que nous privilégions certainement l'aspect variable dans l'utilisation
de la lettre L'aspect inconnue
peut être alors approché comme la valeur de la variable qui donne une phrase
vraie.
A
l'inverse, il est important de montrer que le calcul littéral fonctionne comme
le calcul numérique selon les mêmes règles, avec les mêmes propriétés des
nombres qui permettent de justifier tous les calculs algébriques.
Prenons
un exemple :
En
classe de 5ème , le professeur doit introduire la formule de la
distributivité de la multiplication sur l'addition : k(a +b) = ka + kb. Notons
que du point de vue des signes, le choix des lettres employées est particulier :
on distingue d'une part, k, et a et b d'autre part, comme si k était un
scalaire qui agissait sur des nombres ou bien comme si la multiplication était
une loi externe.
La plupart des activités qui font travailler l'élève sur
cette règle se contentent de remplacer les lettres par des nombres et de faire
constater que l'on trouve le même résultat par deux calculs différents.
Par exemple, Collection 5 sur 5 classe de 5ème
:
Reproduire et compléter le tableau suivant :
x |
y |
z |
xy |
xz |
xy +xz |
y + z |
x (y + z) |
6 |
7 |
8 |
|
|
|
|
|
4 |
5,2 |
1,3 |
|
|
|
|
|
3 |
11 |
|
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|
18 |
|
Quelle remarque peut-on faire ? Justifier.
On peut se demander quel est l'objectif de cet exercice :
soit il sert à découvrir que l'égalité correspondant à la distributivité est
vraie pour tout nombre : à partir de trois séries de nombres, c'est vraiment
peu pour en être sûr. Soit il sert à réinvestir cette propriété connue (nous
penchons pour cette hypothèse puisqu'il est dans la partie exercices), mais
dans ce cas là, les élèves n'ont pas à faire les calculs, ils peuvent tout de
suite passer à la remarque.
Ou bien s'il s'agit de problèmes, on demande explicitement aux élèves de faire les calculs de deux façons différentes alors que ceux-ci sont parfaitement évidents.
Par
exemple, Collection Transmaths 5ème
La grand-mère d'Oscar mélange 3 cuillères de sucre et 3 cuillères de farine. Une cuillère de sucre pèse 25g et une de farine pèse 30g.
1 – Calculer de deux façons différentes combien pèse ce mélange.
2 – Pour chacune de ces deux expressions, écrire les calculs en une seule expression.
3 – Préciser l'expression qui est une somme et celle qui est un produit.
Nous
voyons bien comment, dans ce problème très simple (à la fois par le contexte et
les nombres choisis), on demande aux élèves de produire deux expressions de la
réponse qui est simple à trouver. En fait, on cherche à illustrer la règle sur
un exemple alors qu'il nous semble qu'il faudrait plutôt insister sur le statut
de règle qui permet de justifier ou de contrôler des calculs. Ceci explique
peut-être pourquoi cette propriété tout à fait fondamentale des opérations dans
l'ensemble des réels n'est pas prise en compte par les élèves : en 4ème,
les professeurs ont très souvent l'impression que les élèves n'ont jamais
rencontré cette règle. Un autre élément de justification est que souvent ce
chapitre sur le calcul est fait au tout début de la classe de 5ème ,
que les tâches associée sont peu nombreuses et qu'elles ne sont pas reprises et
retravaillées par la suite.